YOGA CITTA VRITTI NIRODHAH

“yogah citta vritti nirodha,” Yoga Sutra 1.2 Patanjali

Le Yoga est le contrôle des fluctuations du mental

Mais pour contrôler les fluctuations de son mental, il faut en comprendre le mécanisme, pour pouvoir l’étudier…pour pouvoir s’étudier. Par l’étude de soi, par la compréhension de la fabrication des pensées, des émotions, du stockage d’émotions.. du stockage de mémoires, on peut aller plus profond en soi, brûler des mémoires pour mieux avancer, jusqu’à émettre une telle fréquence que les portes à d’autres compréhensions, plus profondes s’ouvrent.

C’est ce que vous offre le Yoga, et plus particulièrement le Raja Yoga.

Notre perception du monde dépend de nos connaissances antérieures et de l’apprentissage qu’on en a tiré. En d’autres termes ce que l’on croit savoir dépend de ce que l’on sait déjà ou du moins, de ce que l’on pense déjà savoir. Il est possible de désapprendre.

Nous avons tous tendance à surestimer notre degré de compréhension, c’est ce qu’on appelle en psychologie « l’illusion de profondeur explicative » soit une compréhension superficielle des choses. Et cette compréhension superficielle amène la souffrance par le biais des afflictions (kleshas) sous forme de mémoires (samskara), qui s’inscrivent en nous toujours plus profondément, et se répète, si rien n’est fait.

Les pratiques de yoga, que sont les asanas, prathyahara, le pranayama et la méditation ont été crée pour initier, éveiller et maintenir un niveau de conscience graduellement plus subtil.

L’idée n’est pas de supprimer les afflictions qui sont propres à notre monde, mais de les transcender en en ayant une connaissance approfondie. C’est l’étude; Svadhyaya

Issu du 1er chapitre intuitulé « la formation du corps » de la Siddha-siddhanta-paddhati, composée par Goraksanatha, père fondateur du Hatha Yoga (Xsiècle):

I.43. Le quintuple instrument intérieur ou psychisme (antahkarana) est constitué de: la pensée (manas), l’intelligence (buddhi), le facteur d’individuation ou sens de l’ego (ahamkara), le subconscient (citta) et la prise de conscience illuminatrice (caitanya)

I.44. La pensée ou faculté mentale (manas) a cinq modalités: la formation des pensées, la vision des alternatives, l’évanouissement, l’inconscience, la réflexion prolongée.

I.45. L’intelligence (buddhi) à cinq modalités: la discrimination, le détachement, la paix, le contentement, la patience.

I.46. Le facteur d’individuation à cinq modalités: illusion et prétention de l’ego, sens du mien, la croyance en « mon bonheur », « mon malheur », « ceci est à moi »

I.47. Le subconscient (citta), a cinq modalités: inclinations, continuité, mémoire, rejet et assimilation.

I.48. La prise de conscience illuminatrice à cinq modalités: investigation, mise en pratique des principes établis par la reflexion, fermeté et persévérance, méditation, cessations des désirs.

Traduit par Tara Michaêl éd.Almora

LA SAGESSE DU COEUR

On nous a menti.

On nous a fait croire qu’il n’existait qu’un seul monde – Prakriti; matériel, visible, prévisible et que le reste n’était que les hallucinations ésotériques et inutiles de quelques mystiques, hippies ou indigènes.

Pourtant la grande majorité des courants spirituels et religieux le savent depuis des millénaires: il existe un monde invisible à notre oeil, un monde vibratoire, de lumière, d’ondes, d’informations, de conscience. Un monde d’énergie électromagnétique. Les physiciens quantiques l’appellent le Champ unifié, les Yogi l’appellent Purusha.

« le champ unifié représente un ordre implicite dans lequel tout est relié » David Bohm

On nous a fait croire que nous pouvions tout résoudre intellectuellement, « Je pense donc je suis ». Penser toujours plus vite, absorber toujours plus d’informations, de sollicitations…

On nous a fait croire que notre bonheur se trouvait dans le fait de satisfaire nos sens, dans ce monde visible et matériel, ce monde extérieur à nous.

En plaçant notre attention sur ce monde extérieur, nous renforçons, par ignorance de ce que nous sommes vraiment, cette impression de séparation. L’humain devient incapable de ressentir pour l’autre, de se sentir connecté au monde qui l’entoure, d’utiliser son intuition, son plein potentiel.

Au nom du bonheur, nous cultivons les causes du mal-être.

Nous avons façonné un monde de compétition, de cupidité et d’égoïsme, où consommation et accumulation seraient signe de réussite. Toujours plus vite, toujours plus loin, au nom d’un progrès qui mène aujourd’hui à notre perte.

Cette illusion sociétale est propre à un déséquilibre lié à notre 3ème centre énergétique – Manipura chakra – placé dans le creux de l’estomac. Associé à la volonté, au pouvoir, à l’égoïsme, au contrôle, à l’agressivité, à la domination… il est le centre de l’esprit de compétition et du pouvoir.

Dans cette logique d’accélération, toujours dans l’urgence, déconnectés des vraies priorités qui devraient être celles de l’humain, nous sommes maintenus dans un état de stress; dans un besoin immédiat et constant, incapable de voir au loin.

Vivre stressé revient à survivre; physiologiquement, mentalement et énergétiquement.

Nos 3 premiers centres énergétiques, en partant de la base de la colonne, tournent autour de notre survie et représente notre nature animale et égotique. Les émotions tel que colère, amertume, frustration, intolérance, impatience, peur, rivalité etc… sont stockées sous forme énergétique dans le corps et bloquées dans les 3 premiers chakras, selon leur nature.

L’énergie est donc bloquée là, de faible fréquence, ne pouvant évoluer et s’écouler en continu jusqu’aux centres supérieurs – notre conscience n’évolue pas.

Ces déséquilibres énergétiques, couplés à l’incohérence des fréquences cérébrales dû au stress et aux déséquilibres hormonaux provoquent des maladies physiques et mentales; fatigue surrénale ou rénale, problèmes digestifs, affaiblissement du système immunitaire, culpabilité viscérale, faible estime de soi, etc…

Les dysfonctionnements nous affectent… nous devenons incohérents.

L’incohérence et le chaos deviennent la normalité individuellement, mais aussi socialement.

Nous devons ralentir, réorganiser nos rapports aux autres, à la nature, à la consommation, à la technologie. Redécouvrir un rapport patient et fertile au temps. Nous devons retrouver une cohérence personnelle, sociale, globale. Il ne s’agit pas de régression, mais de comprendre nos erreurs.

Pour avoir un impact profond au niveau de notre santé, de nos relations, de notre énergie et de notre évolution personnelle et collective; il nous faut modifier notre état d’être.

L’humanité doit passer au niveau supérieur de conscience.

« Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas » André Malraux

Puisque les 3 premiers centres énergétiques, liés aux émotions de survie, réduisent le champ d’énergie vitale entourant votre corps, créant les déséquilibres qui nous font souffrir, nous devons commencer par élever notre énergie vers le 4ème centre, celui du coeur – Anahata chakra.

Il est associé à l’amour, l’affection, la bienveillance, la compassion, la gratitude, l’appréciation, la gentillesse, l’inspiration, l’abnégation, la complétude et la confiance. Quand ce centre est à l’équilibre, on cherche à oeuvrer pour le bien d’autrui, de manière naturelle. On se sent satisfait d’être soi-même. On a confiance en soi, aux autres, en la vie.

Il s’agit d’émotions qui nous comblent et nous permettent de nous sentir complets et connectées, à l’inverse du stress et des émotions négatives qui séparent les gens et impactent notre énergie vitale (prana).

Comprenez que ce ne sont pas des émotions propres à quelques naïfs bohèmes vivant dans un monde de Bisounours, mais bel et bien notre porte de secours; une passerelle entre le monde matériel et le monde énergétique, la porte d’entrée vers notre intuition et une forme d’intelligence supérieure.

Les techniques respiratoires yogiques – impliquant la cohérence cardiaque et l’application des bandhas – employées pendant les asanas, le pranayama et la méditation, ont été crée pour débloquer l’énergie stagnante dans les 3 premiers centres, rééquilibrer le système énergétique et nerveux, afin d’élever cette énergie vers les chakras supérieurs, graduellement, en commençant par le coeur.

Plus le rythme du coeur est cohérent, plus votre champ énergétique s’amplifie. La cohérence cardiaque entraine la cohérence cérébrale.

Vrttayah pancatayyah klasta aklistah (Y.S I.5)

Les ondes cérébrales incohérentes sont celles qui nous conduisent à percevoir la réalité de manière erronée (Viparyaya). Ceci produit à son tour l’ignorance (avidya), l’égoïsme (asmita) et la souffrance (duhkha). Les ondes cérébrales cohérentes sont celles qui conduisent à percevoir correctement la réalité (pramana). Ceci conduit à une connaissance discriminante (viveka khyateh) et à la liberté (kaivalya).

Grâce à la cohérence cardiaque, nous devenons en mesure de réguler notre état interne, indépendamment des circonstances de notre environnement externe et de mettre en retrait nos sens (pratyahara) pour entrer dans notre monde intérieur.

Le heartMath Institute travaille depuis 1991 à mieux comprendre la cohérence cérébro-cardiaque. Le coeur et le cerveau sont les 2 organes qui bénéficient du plus grand nombre de connexions nerveuses entre eux, ayant pour fonction d’assurer continuellement un état d’homéostasie à l’intérieur du corps, soit un équilibre relatif entre tous nos systèmes.

Lorsque le coeur bat de manière ordonnée et cohérente cela crée une cohérence dans le système nerveux autonome, ce qui, par l’équilibre du système parasympathique, améliore nos fonctions cérébrales et nous permet de nous sentir plus créatifs, plus concentrés, plus rationnels, plus conscients et disposés à apprendre.

Une fois que le cerveau devient cohérent, c’est nous qui devenons cohérents.

Les émotions supérieures du coeur, quand nous les ressentons, sont souvent le fruit du hasard, c’est-à-dire qu’elles dépendent de phénomènes externes liés à notre environnement et nos sens, au lieu d’être provoquées volontairement.

Les recherches ont prouvé que les émotions supérieures telles que l’amour, la gratitude ou la joie avaient un pouvoir vibratoire (une fréquence) plus élevée que les émotions telle la haine, la colère ou la peur.

Si dans cet état introspectif de cohérence cérébro-cardiaque, cet état méditatif, vous placez une intention claire (un sankalpa) liée à une émotion supérieure, vous pouvez élever votre conscience vers des états plus subtils.. vous pouvez changer jusqu’à votre biologie personnelle (cf. l’épigénétique)

Votre alchimie interne ne sachant pas faire la différence entre une émotion créée par une expérience extérieure et une émotion crée par une expérience intérieure, en méditant convenablement et régulièrement, le corps réagit comme si l’intention et l’émotion que vous ressentez en méditant se produisent dans le monde matériel.

En s’entrainant régulièrement, cela crée un nouvel état émotionnel de référence qui finira par influencer votre pensée. L’accumulation de nouvelles pensées crée à son tour un nouvel état d’esprit, éveillant une intelligence qui se traduit sous forme de certitude directe et intuitive donnant lieu à des pensées et émotions bénéfiques pour vous-même et autrui.

Essayer, espérer ou souhaiter n’est pas suffisant, c’est dans votre monde intérieur que vous devez pénétrer. Ce n’est pas un processus intellectuel mais énergétique.

Vos émotions influencent vos pensées. Vos pensées influencent vos émotions. Vos pensées influencent votre vision du monde, votre réalité. Pour changer le monde, l’humain doit changer.

Tajjah samskarah anyasamskara pratibandhi (Y.S I.50)

Une vie nouvelle commence avec cette lumière porteuse de vérité. Les empreintes du passé sont détruites et la formation de nouvelles empreintes est empêchée. Nous sommes re-conditionnés.

Il est largement temps d’appliquer ce savoir pour le bien individuel et collectif.

#dontbeleivethehype

Écrit le 19 mai 2019

Reconnaitre ses blessures pour mieux s’en défaire

Notre cerveau est essentiellement le produit de notre passé. Il a été façonné, moulé, de sorte de devenir une archive vivante de tout ce que nous avons appris et vécu jusqu’ici dans notre vie.

A chaque expérience, des circuits neuronaux se créent – créant des émotions. Plus un événement a un impact émotionnel fort dans notre vie, plus il laissera une trace durable dans notre cerveau, une empreinte cognitive – un samskara – en d’autres termes “se souvenir” signifie préserver ces connexions. Plus nous répétons une pensée, un choix, un comportement, une expérience ou une émotion, plus nos neurones concernés s’activent et créent des liens, et plus ils développeront une habitude à long terme.

L’expérience est finalement inscrite en nous, et nous réagissons en réaction; pour ainsi dire en pilotage automatique, inconscients des conséquences de l’expérience.

Le problème est qu’une expérience vécue dans la non-acceptation, c’est à dire dans le jugement, dans la culpabilité, la peur, le regret ou toute autre forme de non-acceptation, sera amenée à se répéter. L’humain s’attire sans cesse les circonstances et les personnes qui lui font revivre cette expérience… jusqu’à complète guérison.

Accepter une expérience ne veut pas dire que celle-ci représente votre préférence ou que vous soyez d’accord avec elle. Il s’agit plutôt de vous donner le droit d’expérimenter et d’apprendre à travers vos comportements.

C’est ce dont il est question avec les Kleshas et plus particulièrement ici, avec Dvesha Klesha – souvent traduit par aversion. Par la peur de revivre une blessure profonde, notre comportement vis à vis de nous-même et des autres répond à un automatisme inconscient.

Réaliser nos blessures, avec l’intention claire de s’en détacher, c’est tout d’abord s’observer, être conscients de nos comportements sans perception faussée par l’ego.

D’après Lise Bourbeau dans son livre “Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même”, à chaque blessure réveillée, sa réaction. 
Par exemple, celui qui vit la blessure du Rejet, aura tendance à fuir toute situation, ou engagement, par peur de paniquer. Ne croyant pas en sa valeur, il recherche la solitude. Celui qui vit la blessure de l’Abandon, aura tendance à être dépendant car sa peur est celle de la solitude. Ayant des difficultés à prendre des décisions seul, il a besoin de présence, d’attention, et de soutien. Celui qui vit la blessure de l’Humiliation, aura tendance a avoir honte de lui ou peur de faire honte. Il connaît ses besoins mais ne les écoute pas et s’en met beaucoup sur les épaules – tout cela par peur de liberté. Celui qui vit la blessure de la Trahison, aura tendance à tout contrôler par peur du reniement. Il se croit plus fort que tout le monde, il est impatient et performant pour être remarqué. Ou encore, celui qui vit de la blessure de l’Injustice, aura tendance a faire preuve de rigidité. Il se compare, et a des difficultes a montrer son affection. Il peut etre vivant, dynamique et optimiste par peur de la froideur.

Ses réactions, ses comportements quasi automatiques, tels des programmes auquel nous répondons, sont dictés par la peur de revivre une blessure. Ce n’est pas ce que nous vivons qui nous fait souffrir, mais bien notre réaction à ce que nous vivons dû aux blessures non guéries.

Etre témoin de ces réactions, c’est mieux comprendre qui l’on est et s’offrir le pouvoir de changer. C’est accepter, pardonner, se pardonner.

C’est faire de la place pour utiliser son énergie à plus créatif que de simplement répondre à des automatismes issus du passé. C’est (re)prendre les rennes. Être présent. C’est remplacer des émotions à faible pouvoir vibratoire, par d’autres plus puissantes. C’est se libérer.

#thatswhatyogaisabout

// Comment la pratique posturale est devenue la composante essentielle du yoga transnational. // (Part.5/5) 
L’ Ashtanga Vinyasa Yoga

La pratique moderne de l’Ashtanga Vinyasa yoga est complexe par rapport à son histoire et ses origines. Le fait que Krishnamacharya ait puisé dans diverses formes de culture physique populaire et exploite les «tournures de cirque» hatha yogiques dans son élaboration et sa promotion du yoga ne doit nullement invalider la méthode.

Même si le nom «Ashtanga Vinyasa» n’a été appliqué au système qu’après l’arrivée des premiers étudiants américains dans les années 1970, même si les séries, enseignées aujourd’hui, n’ont été finalisées que début 1980 et sont l’innovation de Pattahbi jois, et même si elles ne sont pas représentatives de la pédagogie yogique globale de Krishnamacharya; Il est important pour les pratiquants modernes de réaliser que le système postural qu’est l’Ashtanga Vinyasa Yoga n’est pas seulement la dernière discipline tendance qui vient tout juste de se développer pour que votre corps soit en forme et réponde aux codes de l’esthétisme actuel.

Lorsque vous pratiquez ce yoga, vous faites partie d’une ancienne tradition qui a résisté à de nombreuses tempêtes. C’est là que réside le génie de Krishnamacharya dans le fait d’avoir su l’adapter à notre époque.

Il est dit que Krishnamacharya a appris les fondements de l’Ashtanga vinyasa yoga de son guru Himalayan Ramamohan Brahmachary sur la base d’un texte vieux de cinq mille ans, de Vamana Rishi, appelé Yoga Kurunta. Ce texte est censé décrire intégralement toutes les asanas et vinyasa des séquences.

Ne prenant en compte que ce qui a été retranscrit par écrit, alors que le texte a été dévoré par les fourmis et sans aucune copie semblant exister, ni aucune mention faite au dit texte dans les écrits de Krishnamacharya, beaucoup de chercheurs, comme Mark Singleton, ne peuvent créditer l’ancienneté du système.

Pour cette même raison, le Hatha Yoga Pradipika ou le Gueranda Samhita ne mentionnant que peu d’asanas, ces même chercheurs, auront tendance à dire que le nombre d’asanas est grandissant et cristallisent ainsi l’idée d’une invention du 19e siècle.

Il faut pourtant comprendre que la plupart des lignées de yoga – rappelons-le; des ascétiques, renonçants et contestataires des ordres en cours – gardaient leurs enseignements secrets et non pas, ou peu, laissé de trace écrites derrière eux. En Inde, les enseignements se faisaient selon une tradition orale, les postures étaient apprises au travers d’un enseignement personnel auprès quelqu’un qui les avaient maîtrisées.

L’Ashtanga vinyasa Yoga est bien né du sol fertile des vedas.

Même si la pratique n’inclut pas strictement de rituel védique, elle n’en reste pas moins connectée avec une des plus ancienne conceptions védiques; dans le Brhad Aranyaka Upanishad, le sage Yajnavalkya explique que l’obtention de la libération (mukti) se fait en pratiquant un rituel avec les 4 puissances que sont; le son, la vue, le souffle et l’esprit.

Significativement, ce sont les éléments qui définissent l’Ashtanga vinyasa Yoga : En produisant le SON de Ujjayi et en posant son attention dessus, tout en restant concentré sur les drishti (intention du regard) représentant la VUE, laissant le SOUFFLE guider les mouvements, rendant ainsi la respiration anatomique et pranique le centre permanent de la pratique, le tout lié par les bandhas, alors l’ESPRIT est calme.

Quand aux nombres d’asanas supposés croître avec les années, rappelons que les Shastras déclarent qu’il y avait 8,400,00 asanas, l’équivalent alors du nombre d’espèces vivantes dans l’univers. Il est dit que le sage Ramanamohan Bramacharya en connaissait 7000 et en enseigna 3000 à S.T.Krishnamacharya. Les systèmes actuels étant composés d’une 12aine à quelques centaines de postures, on aurait plutôt envie de croire que le chiffre décroit. Une contradiction est quoi qu’il en soit à relever.

Les asanas font parti d’une culture spirituelle qui vise à amener les pratiquants dans un certain état (sattvique), formant ainsi le fondement de techniques de yoga supérieures – pranayama et méditation – pour une élévation des états de conscience, de compréhension, de plus en plus subtils.

Vos pensées et vos émotions laissent des empreintes dans les tissus de votre corps – des noeuds psycho-affectifs, des granthis – qui d’une part rendent plus probable la répétition des états induits par ces mémoires cognitives (samskaras), et d’autres part créent des déséquilibres physiques, s’exprimant jusqu’à la maladie ou la douleur chronique, et mentaux, s’exprimant jusqu’au burn-out et les dépressions. Ces noeuds sont libérés, comme brûlés, par la pratique posturale, préparant a des formes plus poussées de pratiques induisant la montée de la Kundalini.

Pour les plus sceptiques, j’ai envie de rappeler que « la théorie ne l’emportera jamais sur la pratique » et qu’il faut le vivre, car « le yoga ne s’apprend pas, il se révèle ». Je pense pouvoir avancer que la grande majorité des pratiquants d’ashtanga vinyasa yoga ayant, pendant, disons, 12 ans et au delà, pratiqué avec la conviction intime et intuitive d’appartenir à une tradition ancienne, pourra témoigner du changement qui s’opère bien au delà du corps physique, prouvant par la même l’efficacité du système.

Considérez la pratique posturale comme une danse sacrée qui existait dans sa perfection bien avant notre ère. Pour qu’elle soit efficace au delà du corps physique, pratiquez-la, comme le dit Patanjali, avec une attitude de dévotion. Cela signifie pratiquer avec une attitude de générosité et de service plutôt que de gain personnel. C’est cette attitude qui mène à la compréhension de la divinité, quelque soit l’aspect du divin qui vous correspond – Dieu, le cosmos, mère nature, les lois de l’univers… et donc à la compréhension du monde et de soi.

A une époque comme la nôtre, baignant dans les affres de Kali yuga, les esprits distraits (Kshipta chitta) sollicités de toute part, entourés d’ondes en tout genre, respirant un air pollué, ingérant à notre insu des composés chimiques, indignés en constance par les injustices et la culture du vide (Mudha chitta)… l’ardeur de l’Ashtanga Vinyasa Yoga ne serait-elle pas une pratique adequate tant le besoin de purification est grand ?

A l’efficacité de la pratique, égalera le nombre des difficultés sur le chemin… car les éléments qui définissent le système tel qu’il est aujourd’hui, ne devraient être confondus, avec une rigidité inadaptable et non-evolutive. Le sens du mot « tradition » se perd et se confond au fil des millénaires que ce système pourrait avoir traversé. Même ardente, la pratique doit s’adapter au différents niveaux de condition physique (adhikara) chez les pratiquants.

Car enfin le risque est grand: devenir attaché à la pratique, au corps, aux fruits de l’action.

S’attacher à ses performances, s’identifier à son corps et refuser de considérer son impermanence, s’en vouloir quand la pratique du jour n’est pas à la hauteur de ses attentes d’un jour à l’autre, être frustré par ses limitations, se sentir en compétition ou penser que cette pratique est supérieure à une autre; c’est laisser l’ego diriger (Asmita). 
Pousser son corps toujours plus loin, malgré les blessures, la fatigue, le froid, la maladie.. pour plaire, pour se plaire, pour se punir, pour obéir, pour être plus fort que les autres, pour être vu, pour épater.. c’est désirer; être attaché aux plaisirs que cela engendre, et demander leur répétition (attachement – Raga). 
Repousser une pratique, trouver des excuses pour s’endormir sur son tapis, pour éviter d’y aller, pour éviter une posture pourtant accessible par peur, par flemme, parce qu’on ne la maîtrise pas…rester dans sa zone de confort, cela aussi sera appeler à se répéter en dehors du tapis (aversion – Dvesha). 
Avoir peur du jugement, peur de ne plus y arriver, peur de ne pas être reconnu, considéré, peur de vieillir… peur de mourir (Abhinivesha). 
Dans l’ignorance (Avidya) de tout cela, de toutes ces pensées, de toutes ces empreintes (samskara), dans l’ignorance de ce que nous sommes vraiment… sont les Kleshas; les 5 afflictions du mental menant à la souffrance humaine.

“AVIDYASMITA-RAGA-DVESHABHINIVESAH KLESAH » ~ Yoga Sutras of Patanjali

L’ashtanga Vinyasa Yoga n’est pas une invention moderne et s’inscrit dans le registre des Kriya Yoga (de la racine sanscrit action) composés de trois élèments; tapas, maintenir sa pratique devant l’adversité que peuvent être les Kleshas, Svadhyaya, l’étude de soi, des textes vous y menant, et Isvarapranidhana, soit cette conviction qu’il existe des forces au delà de votre compréhension, du rationnel. Conviction portée par l’intention que vous donner à votre pratique.

Vous devez vous rappeler continuellement que le but ultime du Yoga, quelque soit le chemin pris, n’est pas de devenir bon dans l’exécution des techniques. Le but est de réaliser le Brahman, le divin, votre divinité… là se trouve la libération et ce que le yoga peut vous offrir: 
« Une pratique qui libère, une connaissance de soi qui transforme, une éthique qui fait vivre » Ysé Tardan-Masquelier.

Connectez-vous avec cette pratique séculaire, honorez ses fondateurs. Lors de la conception de cette pratique, de nombreux concepts et idées qui composent nos vies et la société d’aujourd’hui n’existaient pas. Et cette tradition existera sûrement encore quand beaucoup de ces idées auront disparues.

Ref. « Yoga body » M.Singleton / Gregor Maehle « the intermediate series »

#infinitegratitude

// Comment la pratique posturale, est devenue la composante essentielle du yoga transnational. // (Part.4) Krishnamacharya

Les fondements du hatha yoga confondu avec l’éducation physique, souvent marqués par la biologie moderne, ont donc été lancés au cours des quatre premières décennies du XXe siècle.

Des personnes y ayant contribué, on retiendra:

Swami Kuvalayananda (1883-1966), qui utilisa le matériel de la science moderne pour mesurer les effets physiologiques des asanas, du pranayama, des krya et des bandha, et utilisa ses découvertes pour mettre au point des approches thérapeutiques. Il aura une grande influence sur T. Krishnamacharya.

Sri Yogendra (1897-1989), comme Kuvalayananda, est entré dans la voie du yoga après des années d’immersion intensive dans la culture physique moderne, la gymnastique et la lutte – son surnom était «Mr Muscle». Il travailla avec un certain nombre de médecins et de naturopathes occidentaux d’avant-garde.

K.V. Iyer (1897-1980) bien que presque exclusivement considéré comme un culturiste, Iyer était un fervent promoteur de la pratique du Hatha Yoga dans le cadre d’un régime de culture physique plus vaste et hautement esthétique, basé sur des modèles occidentaux. Il avait également une réputation répandue pour guérir les maladies par le yoga. La clientèle d’Iyer comprenait un éventail de personnalités influentes telles que le musicien Ravi Shankar, mais son patient le plus puissant et le plus célèbre à l’époque était Krishnarajendra Wadiyar, le maharaja de Mysore, qu’il soigna après un accident vasculaire cérébral. 
En guise de remerciement, le Maharaja. finança la construction du Vyayamsala d’Iyer et sponsorisa la fameuse succursale de Mysore au palais de Jaganmohan.

Yogananda (1893-1952) a enseigné aux États-Unis une version du «contrôle musculaire» yoguique fortement influencée par la nouvelle pensée et le bodybuilding européen. Son jeune frère, le bodybuilder de renommée internationale, B.C.Ghosh, ouvra son collège d’éducation physique à Calcutta en 1923 et y enseigna diverses techniques de musculation incluant l’asana. C’est là qu’il a formé Bikram Choudhury, qui établira ce qui est peut-être «un des plus rentables empires transnationaux du yoga d’aujourd’hui – le Bikram yoga» (M.Singleton)

Gardons à l’esprit que le phénomène du yoga international basé sur la posture n’aurait pas eu lieu – et cela se vérifie encore aujourd’hui – sans le développement rapide de la technologie d’impression et la disponibilité facile et peu coûteuse de la photographie.

Toutes les publications indiennes de l’époque (1930-40), illustraient déjà, de manière exclusivement masculine alors, une série de clichés glamour semi-nu ou totalement nu dans diverses postures héroïques, envoyant un message clair: l’asana est une technique de conditionnement physique qui pourrait apporter le bonheur par la santé et la perfection du corps esthétique.

Les mots de Vivekananda, datant du début du siècle, résonnent encore…
«Les pratiques fondamentales du Hatha yoga, telles que le kriya et les asanas, sont des tours de fakirs du cirque»

«Lorsque de nombreuses personnes originaires de pays occidentaux se rendent à ce Yogasala financé par le Maharaja pour prendre des photos de yogasanas et les exposer dans leur pays, nous ne pouvons plus rester silencieux et permettre aux yogasanas d’être pétrifiés dans la pierre» T. Krishnamacharya 1941

Krishnamacharya (1888-1989), qui travaillait, à coté de Iyer, sous la direction personnelle du Maharaja de Mysore, fervent défenseur de la mission indienne de culture physique – a pour mission de vulgariser la pratique du yoga. Le système qu’il mettra au point est le produit de ce mandat, comme en témoignent les registres de l’époque du palais de Jaganmohan.
Krishnamacharya développera donc son propre système de Hatha Yoga, enraciné dans la tradition brahmanique mais modelé par l’engouement de l’époque pour la culture physique éclectique. Son enseignement était alors destiné à être, et était en pratique, expérimental.

Il devint un acteur majeur de la fusion moderne entre la pratique des asanas de style gymnastique et la tradition de Patanjali.

«Krishnamacharya innovait tout le temps en réponse à ses élèves. Il inventait et innovait. Krishnamacharya n’a jamais insisté sur un ordre particulier de postures » T.R.S.Sharma

Du début des années 30 jusqu’au début des années 50, Krishnamacharya élabora un système dont le composant central était une série rigoureuse d’asanas, reliées par une séquence de liens répétitive. L’Ashtanga Vinyasa Yoga de Pattabhi Jois est un développement direct de cette phase de l’enseignement de Krishnamacharya. Toutes les formes dérivées telles que le «power yoga», le «vinyasa flow», le «power vinyasa», etc. tirent souvent une inspiration explicite de ces séries.

Ses séquences fluides/flow semblerait avoir été conçues, au moins en partie, comme des démonstrations de performance pour une cour indienne moderne, afin d’attirer les gens vers le yoga – pour attirer leur attention et leur enseigner le yoga. Il est même dit, parmi certains des anciens élèves, que le compte de 5 respirations par posture ne vient que du fait de ces demonstrations – 5 respirations étant le temps nécessaire pour expliquer l’utilité d’une posture sans perdre l’attention de l’audience. Il est vrai que son livre Makaranda prône de longues durées pour la plupart des postures.

C’est ce chapitre précis de la carrière de Krishnamacharya qui dominera pourtant la pratique populaire du yoga dans les pays occidentaux aujourd’hui.

Après avoir quitté Mysore au début des années 50, ses méthodes ont continué cependant d’évoluer. Il est révélateur à cet égard que le style d’enseignement de ses disciples ultérieurs, à Chennai – tels que Desikachar et A.G.Mohan – ressemble peu à l’ardente séquence enseignée par S.K.Pattabhi Jois.

Bien qu’il ait finalement systématisé son enseignement de Mysore – comme en témoigne son livre Yogasanagalu (1941), Krishnamacharya modifiait les postures pour s’adapter à l’individu:
«Le principe fondamental de la longue carrière d’enseignant de Krishnamacharya montre que la pratique du yoga doit être adaptée à la période, au lieu et aux exigences spécifiques de chaque individu. L’âge et la constitution des élèves, leur vocation, leurs capacités et la voie dans laquelle ils se sentent entraînés.» Desikachar.

L’héritage du yoga contemporain de T. Krishnamacharya est en grande partie dû à la propagation et au développement de ses enseignements par ses élèves renommés tels que K.Pattabhi Jois, B.K.S. Iyengar, Indra Devi et T.K.V. Desikachar, B.N.S.Iyengar, À.G.Mohan.

#hatharetrouvé