Les fondements du hatha yoga confondu avec l’éducation physique, souvent marqués par la biologie moderne, ont donc été lancés au cours des quatre premières décennies du XXe siècle.

Des personnes y ayant contribué, on retiendra:

Swami Kuvalayananda (1883-1966), qui utilisa le matériel de la science moderne pour mesurer les effets physiologiques des asanas, du pranayama, des krya et des bandha, et utilisa ses découvertes pour mettre au point des approches thérapeutiques. Il aura une grande influence sur T. Krishnamacharya.

Sri Yogendra (1897-1989), comme Kuvalayananda, est entré dans la voie du yoga après des années d’immersion intensive dans la culture physique moderne, la gymnastique et la lutte – son surnom était «Mr Muscle». Il travailla avec un certain nombre de médecins et de naturopathes occidentaux d’avant-garde.

K.V. Iyer (1897-1980) bien que presque exclusivement considéré comme un culturiste, Iyer était un fervent promoteur de la pratique du Hatha Yoga dans le cadre d’un régime de culture physique plus vaste et hautement esthétique, basé sur des modèles occidentaux. Il avait également une réputation répandue pour guérir les maladies par le yoga. La clientèle d’Iyer comprenait un éventail de personnalités influentes telles que le musicien Ravi Shankar, mais son patient le plus puissant et le plus célèbre à l’époque était Krishnarajendra Wadiyar, le maharaja de Mysore, qu’il soigna après un accident vasculaire cérébral. 
En guise de remerciement, le Maharaja. finança la construction du Vyayamsala d’Iyer et sponsorisa la fameuse succursale de Mysore au palais de Jaganmohan.

Yogananda (1893-1952) a enseigné aux États-Unis une version du «contrôle musculaire» yoguique fortement influencée par la nouvelle pensée et le bodybuilding européen. Son jeune frère, le bodybuilder de renommée internationale, B.C.Ghosh, ouvra son collège d’éducation physique à Calcutta en 1923 et y enseigna diverses techniques de musculation incluant l’asana. C’est là qu’il a formé Bikram Choudhury, qui établira ce qui est peut-être «un des plus rentables empires transnationaux du yoga d’aujourd’hui – le Bikram yoga» (M.Singleton)

Gardons à l’esprit que le phénomène du yoga international basé sur la posture n’aurait pas eu lieu – et cela se vérifie encore aujourd’hui – sans le développement rapide de la technologie d’impression et la disponibilité facile et peu coûteuse de la photographie.

Toutes les publications indiennes de l’époque (1930-40), illustraient déjà, de manière exclusivement masculine alors, une série de clichés glamour semi-nu ou totalement nu dans diverses postures héroïques, envoyant un message clair: l’asana est une technique de conditionnement physique qui pourrait apporter le bonheur par la santé et la perfection du corps esthétique.

Les mots de Vivekananda, datant du début du siècle, résonnent encore…
«Les pratiques fondamentales du Hatha yoga, telles que le kriya et les asanas, sont des tours de fakirs du cirque»

«Lorsque de nombreuses personnes originaires de pays occidentaux se rendent à ce Yogasala financé par le Maharaja pour prendre des photos de yogasanas et les exposer dans leur pays, nous ne pouvons plus rester silencieux et permettre aux yogasanas d’être pétrifiés dans la pierre» T. Krishnamacharya 1941

Krishnamacharya (1888-1989), qui travaillait, à coté de Iyer, sous la direction personnelle du Maharaja de Mysore, fervent défenseur de la mission indienne de culture physique – a pour mission de vulgariser la pratique du yoga. Le système qu’il mettra au point est le produit de ce mandat, comme en témoignent les registres de l’époque du palais de Jaganmohan.
Krishnamacharya développera donc son propre système de Hatha Yoga, enraciné dans la tradition brahmanique mais modelé par l’engouement de l’époque pour la culture physique éclectique. Son enseignement était alors destiné à être, et était en pratique, expérimental.

Il devint un acteur majeur de la fusion moderne entre la pratique des asanas de style gymnastique et la tradition de Patanjali.

«Krishnamacharya innovait tout le temps en réponse à ses élèves. Il inventait et innovait. Krishnamacharya n’a jamais insisté sur un ordre particulier de postures » T.R.S.Sharma

Du début des années 30 jusqu’au début des années 50, Krishnamacharya élabora un système dont le composant central était une série rigoureuse d’asanas, reliées par une séquence de liens répétitive. L’Ashtanga Vinyasa Yoga de Pattabhi Jois est un développement direct de cette phase de l’enseignement de Krishnamacharya. Toutes les formes dérivées telles que le «power yoga», le «vinyasa flow», le «power vinyasa», etc. tirent souvent une inspiration explicite de ces séries.

Ses séquences fluides/flow semblerait avoir été conçues, au moins en partie, comme des démonstrations de performance pour une cour indienne moderne, afin d’attirer les gens vers le yoga – pour attirer leur attention et leur enseigner le yoga. Il est même dit, parmi certains des anciens élèves, que le compte de 5 respirations par posture ne vient que du fait de ces demonstrations – 5 respirations étant le temps nécessaire pour expliquer l’utilité d’une posture sans perdre l’attention de l’audience. Il est vrai que son livre Makaranda prône de longues durées pour la plupart des postures.

C’est ce chapitre précis de la carrière de Krishnamacharya qui dominera pourtant la pratique populaire du yoga dans les pays occidentaux aujourd’hui.

Après avoir quitté Mysore au début des années 50, ses méthodes ont continué cependant d’évoluer. Il est révélateur à cet égard que le style d’enseignement de ses disciples ultérieurs, à Chennai – tels que Desikachar et A.G.Mohan – ressemble peu à l’ardente séquence enseignée par S.K.Pattabhi Jois.

Bien qu’il ait finalement systématisé son enseignement de Mysore – comme en témoigne son livre Yogasanagalu (1941), Krishnamacharya modifiait les postures pour s’adapter à l’individu:
«Le principe fondamental de la longue carrière d’enseignant de Krishnamacharya montre que la pratique du yoga doit être adaptée à la période, au lieu et aux exigences spécifiques de chaque individu. L’âge et la constitution des élèves, leur vocation, leurs capacités et la voie dans laquelle ils se sentent entraînés.» Desikachar.

L’héritage du yoga contemporain de T. Krishnamacharya est en grande partie dû à la propagation et au développement de ses enseignements par ses élèves renommés tels que K.Pattabhi Jois, B.K.S. Iyengar, Indra Devi et T.K.V. Desikachar, B.N.S.Iyengar, À.G.Mohan.

#hatharetrouvé

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