« Le coeur a ses raisons que la raison ignore. »
Depuis des millénaires l’Inde s’est interrogée sur la structure de la condition humaine.
Au fil du temps, dans cette quête, ces explorateurs du véhicule psycho-physique ont affiné leurs compréhensions, poussant parfois à l’extrême les moyens de parvenir au déconditionnement des contenus de l’inconscient afin de voir s’il y avait quelque chose au delà.
Sur ce chemin, ils ont compris certaines choses que nos sociétés occidentales, portées plutôt vers l’évolution industrielle et scientifique, ont oublié de prendre en compte : l’harmonie de notre dualité cérébrale et la nécessité d’y prêter attention.
De notre coté, il faudra donc attendre 1780 pour que la communauté scientifique s’intéresse à l’asymétrie fonctionnelle de notre cortex cérébral.
Le premier a pensé que chaque hémisphère possédait une conscience propre fut Meinard Simon Du Pui, qui qualifia l’être humain d’ « homo duplex » : doué d’un cerveau dual et d’un esprit dual.
Les deux moitiés de notre cerveau, non contentes de percevoir le monde ou de réfléchir chacune à sa manière, prônent des valeurs propres au type de données qu’elles traitent.
« Un même individu a constamment recours à l’une ou l’autre manière d’appréhender mentalement un problème selon qu’il se sert de son hémisphère droit ou gauche. » Dr Roger W. Sperry 1981
En général, il nous est difficile, de distinguer la personnalité de l’un et l’autre de nos hémisphères – chacun de nous se perçoit comme un individu unique.
Cependant, vous avez sans doute déjà reconnu chez vos proches, ou même en vous, les traits de caractère correspondant à l’un ou l’autre de vos hémisphères ; cette lutte intérieure entre des tendances opposées :
> lorsque la « raison » (hémisphère gauche) vous dicte d’opter pour tel choix alors que votre « cœur » (hémisphère droit) vous incite à un autre.
> lorsque vous distinguez ce que vous pensez (hémisphère gauche) de ce que vous ressentez (hémisphère droit).
> lorsque vous opposez raisonnement intellectuelle (gauche) et instinct (droit).
> lorsque vous différenciez votre moi superficiel (hémisphère gauche) et votre moi profond ou authentique (hémisphère droit).
Un adepte de Carl Jung distinguera le type sensitif (l’hémisphère gauche) du type intuitif l’hémisphère droit), ou le type intellectuel (cerveau gauche) du type affectif (cerveau droit).
Dans le domaine du Yoga, on oppose le cerveau masculin (sa moitié gauche) au féminin (sa moitié droite), le Ha (solaire) au Tha (lunaire), Ida à Pingala et nos tendances rajasiques à nos tendances tamasiques.
Peu importe la terminologie employée : les diverses tendances de la personnalité de chacun découlent des deux hémisphères distincts dont se compose notre cerveau.
En temps normal, les deux hémisphère devraient se compléter l’un l’autre en tirant ainsi le meilleur parti de leur aptitudes respectives au quotidien. Mais notre société, supposée « évoluée », encense la domination de notre hémisphère gauche depuis fort longtemps.
Si bien que beaucoup s’en tiennent à un fonctionnement unilatéral de leurs hémisphères ; par un mode de pensée rigide et critique (en n’ayant recours qu’à leur cerveau gauche) sans nécessairement consentir à réviser leurs opinions.
À l’inverse, d’autres, dépassés par une société qui ne leur correspond pas, se coupent du réel en passant leur temps « la tête dans les nuages » (à l’intérieur de leur cerveau droit), ou choisissent de fuir la réalité dans la consommation d’alcool ou autres substances.
Bombardés d’informations, de stimuli, de « mémoires » et persuadés de la supériorité de l’intelligence intellectuelle face à l’intelligence émotionnelle, n’étant pas éduqué à l’équilibre de sa dualité, le mental sautant d’une pensée à l’autre sans relâche et avec, de plus en plus, le niveau de concentration d’un poisson rouge, l’humain s’enferme sans le comprendre dans diverses peurs, conditionnements et souffrent de multiples déséquilibres.
Chacun de nos deux hémisphères voit les choses sous un angle différent, éveille en nous des émotions particulières et nous incite à nous comporter de telle ou telle manière.
// L’HÉMISPHÈRE GAUCHE A.K.A « LA RAISON »
Notre hémisphère gauche contrôle la moitié droite de notre corps, il est donc lié à notre souffle par la narine droite (Svara solaire), à Pingala, et nos penchants rajasiques dont la nature est instabilité et agitation.
Notre hémisphère gauche se montre par nature critique. Il juge, analyse et compare sans cesse.
Il rattache les instants riches de sensations selon un ordre chronologique, et compare les particularités de tel moment donné à celles du précédent.
En retraçant l’évolution au fil du temps de ce qui a caractérisé un instant ou un autre, notre hémisphère gauche nous donne une idée du passé, du présent et du futur.
C’est notre hémisphère gauche qui nous rappelle qu’il faut placer un pied avant l’autre pour marcher ou comment utiliser un téléphone. Et c’est lui qui entre en jeu dans les raisonnements déductifs de type: si A est plus grand que B et B plus grand que C alors A est plus grand que C. ou que le feu, ça brûle.
Notre hémisphère gauche s’attache à une infinité de détails.
Les régions dédiées au langage de notre hémisphère gauche ont recours aux mots pour décrire, définir, qualifier ou encore cataloguer à peu près tout et n’importe quoi. Ce sont elles qui décomposent notre perception globale en éléments comparables et analysables.
Les études universitaires lui conviennent à merveille et la maîtrise des détails qu’il analyse lui procure un sentiment de maîtrise et d’autorité.
Le « centre du langage» de notre hémisphère gauche nous parle sans arrêt, il a entre autres pour rôle de définir notre individualité. C’est lui que nous entendons dire «je ».
Notre ego prend racine dans notre centre du langage. Nous en avons besoin pour ne pas oublier qui nous sommes et ne pas perdre conscience de notre identité, nous rappeler notre nom ou notre adresse et définir notre individualité dans l’espace.
Non content de penser à l’aide d’un langage verbal, notre hémisphère gauche nous incite à réagir à certains stimuli en fonction de nos expériences passées.
Il établit entre nos neurones des connexions qui s’activent ensuite automatiquement en présence de telle ou telle information que nous transmettent nos sens; ce qui nous permet de traiter d’importantes quantités de données sans avoir à les analyser une à une.
Vu que nous « programmons » en permanence notre hémisphère gauche pour qu’il identifie le plus vite possible un maximum de situations, il ne manque jamais d’anticiper sur nos pensées ou nos réactions émotionnelles en prenant appui sur nos expériences passées. Ainsi, il établit une hiérarchie entre nos penchants (ce qui nous attire) et nos aversions (ce qui nous répugne).
// L’HÉMISPHÈRE DROIT A.K.A « LE COEUR »
Notre hémisphère droit contrôle la moitié gauche de notre corps, il est donc lié à notre souffle par la narine gauche (Svara lunaire), à Ida, et nos penchants tamasique dont la prépondérance dans le corps engendre la sensation de lourdeur, l’inertie et la paresse.
Notre hémisphère droit se montre par nature spontané, aventureux, insouciant et imaginatif.
Éternellement satisfait, il ne renonce jamais à son optimisme. Il ne juge pas en termes de bien ni de mal; tout existe de son point de vue dans un continuum; tout est relatif.
Il prend les choses comme elles viennent et s’adapte aux situations telles qu’elles se présentent. Il remarquera que telle personne est plus grande ou plus riche que telle autre sans en inférer un jugement de valeur pour autant. Notre hémisphère droit ne perçoit pas les différences de type ethnique ou de religion, ou du moins il ne s’y arrête pas.
Lorsqu’il est dominant et en l’absence des règles définies par notre hémisphère gauche, Il se sent libre de se fier à son intuition et encourage nos penchants artistiques à s’exprimer sans la moindre inhibition.
Du point de vue de l’hémisphère droit, il n’existe pas d’autre temps que le présent.
La conscience que nous avons de quelque chose qui nous dépasse, auquel nous sommes liés, s’inscrit dans l’instant présent.
Il perçoit immédiatement ce qu’il y a de semblable en vous et moi et ce qui relie chacun d’entre nous. Notre empathie prend naissance dans notre cortex frontal droit.
Il interprète tout ce qui relève de la communication non verbale. Il tient compte d’indices aussi subtils que l’intonation, l’expression du visage ou la posture du corps.
Il a pour tâche de renouveler notre point de vue sur les choses : il met à jour les « dossiers » de notre cerveau en rectifiant les informations dépassées.
Notre hémisphère droit interprète les bouleversements énergétiques que nous percevons à un niveau inconscient ; comme deviner quelle ambiance règne parmi un groupe de personnes en s’en approchant. Cette capacité à détecter l’énergie qui nous entoure explique notre dynamique énergétique interne aussi bien que nos facultés intuitives.
C’est dans notre hémisphère droit que résident nos tendances mystiques, nos facultés d’observation, d’intuition, de clairvoyance.
Voilà quelques phrases tirées du livre témoignage du Dr Jill Bolte Taylor, « Voyage au-delà de mon cerveau », neuro-anatomiste reconnue, qui s’est vue frappée un matin d’un AVC sévère dans son hémisphère gauche :
« je me suis sentie touchée par la grâce dans le silence de mon hémisphère gauche soudain indifférent à tout ce qui composait mon quotidien.»
« D’un point de vue neuro-anatomique, la paix intérieure a envahi mon hémisphère droit quand le centre du langage et l’aire associative pour l’orientation de mon hémisphère gauche ont cessé de fonctionner. »
« Mon être me semblait fluide et non plus solide ou une entité autonome distincte du reste. Me voilà en train de me fondre dans l’espace environnant ! »
« Le babil de mon cerveau venait de céder la place à une quiétude bienfaisante. »
« La faculté de juger de mon hémisphère gauche s’est mis en veilleuse. Un sentiment de tranquillité, de paix, de sécurité, d’euphorie et même d’omniscience m’a envahie. »
« Depuis que mon hémisphère droit régnait en maître sur ma conscience, je débordais d’empathie. J’avais beau ne pas saisir un traître mot de ce qui se racontait autour de moi, les physionomies et les postures des uns et des autres m’en disaient long sur leur états d’esprit. Certains me communiquaient leur énergie alors que d’autres au contraire me pompaient la mienne. »
« Plus mon passé me revenait en mémoire, plus mon bagage émotionnel refaisait surface. »
// À LA RECHERCHE DE L’HARMONIE
« Une tête bien faite et un bon coeur forment toujours une formidable combinaison. » Nelson Mandela
Un équilibre harmonieux entre les tendances associées à chacun de nos hémisphères devrait nous assurer assez de flexibilité sur le plan cognitif pour nous adapter au changement (grâce à notre cerveau droit) sans dévier pour autant du chemin que nous nous sommes tracé (à l’aide de notre cerveau gauche).
Ce rééquilibrage est ce que peuvent induire l’ensemble des pratiques yogiques dans votre vie quotidiennes. Les diverses techniques de concentration sont là pour apaiser l’activité de notre hémisphère gauche dominant, le vider de son contenu sensoriel et intellectif le temps de la pratique, afin de redonner la possibilité à l’hémisphère droit de se révéler.
L’équilibre entre nos deux hémisphères est l’équanimité qui définie le Yoga, autrement dit : l’union entre le Ha et le Tha, l’équilibre entre nos tendances rajasiques et tamasiques qui ouvre alors la voie vers nos qualités sattviques.
Notre hémisphère droit abrite une forme de conscience dont dépend notre quiétude, notre joie, notre capacité d’émerveillement, l’absence de peur et notre amour pétri de compassion pour le reste du monde. Il abrite notre intelligence émotionnelle.
Mettre en sommeil notre hémisphère gauche ; notre ego, nos mémoires, nos pensées et sortir de l’espace-temps, le temps de la pratique méditative, c’est prendre le recul nécessaire pour nous rendre plus apte à définir le comportement adéquate à choisir selon la circonstance en dehors du tapis.
C’est réaliser que nous ne sommes pas le produit de notre hémisphère gauche.
« L’éveil ne résulte pas d’un apprentissage mais, au contraire, d’un désapprentissage de ce que l’on croit savoir. » Dr Kat Domingo
Plus vous pratiquez, plus vous sollicitez votre hémisphère droit, plus vous parvenez facilement à éloigner les pensées angoissantes qui vous distraient de l’ « ici et maintenant » dans la vie quotidienne, et plus vous suscitez en vous sérénité et sympathie pour autrui.
La santé mentale de notre société dépend de celle des individus qui la composent.
Nous sommes conscient que le corps a besoin d’exercices pour la santé physique.
L’humanité doit réaliser qu’une hygiène cérébrale est nécessaire pour sa santé mentale.
Le Yoga est là pour cela. Chacun de nous en a les capacités.